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La chasse au mot parasite

Nous sommes nombreux à posséder un tic de langage. Un mot ou une expression qui revient régulièrement. Bien souvent nous ne le savons pas. Sous l’effet du stress, comme lors d’un entretien d’embauche, ce mot peut revenir un peu trop souvent. Jusqu’à prendre le risque d’agacer un des recruteurs. Conseils…


Gamin, nous sommes tous tombés sur un prof qui ponctuait ses phrases d’un vous voyez ? D’un compris ? Et des petits malins en tenaient la comptabilité. En une heure, le total pouvait dépasser plusieurs dizaines.


Léo s’est inscrit à nos séances de coaching. Léo sort d’une école d’ingénieur. Dès le premier échange téléphonique, dit prise de contact, j’ai remarqué qu’il ponctue ses phrases par des du coup. Pendant les séances, le phénomène est monté d’un cran. Probablement sous l’effet du stress, il commence aussi toutes ses phrases par ce même vocable.


Je lui ai signalé ce tic verbal lors de la première séance. Non pas sous l’angle : « ce mot parasite commence à m’irriter », mais plutôt : «tu utilises une expression parasite. Personnellement, elle ne me dérange pas, mais tu peux tomber sur un recruteur que cela irrite. Il ne faudrait pas prendre le risque qu’il te remarque, uniquement par cette expression».

Se débarrasser de son expression ou mot parasite

Je lui demande s’il sait quelle expression il utilise sans cesse. Il n’en a aucune idée. Alors qu’il avait déjà peut-être utilisée près d’une cinquantaine de fois !

C’est le propre de l’expression ou du geste parasite. On ne s’en rend pas compte, sinon nous ferions le nécessaire pour la ou le supprimer. Il faut que ce soit un tiers qui nous le dise.


En général, avec un élève, cela se déroule en 4 étapes.

Etape 1 - La surprise, voire le déni : «Ah bon ? Ça m’étonnerait. Je le dis peut-être de temps en temps, mais pas plus». Ou alors : « tant que cela ? Ça m’étonnerait... »

Etape2 - Le flagrant délit. Maintenant, à chaque fois que Léo prononce cette expression, je lui dis. Dans le cadre des séances de coaching, cette phase est simplifiée, puisque tout est enregistré. En fin de séance, je l’ai juste invité à écouter quelques minutes de l’enregistrement.

Etape 3 - Le constat. Léo s’en est rendu compte. Et il l’admet : « je savais que je l’utilisais de temps en temps, mais pas à ce point là ». Et maintenant, au moment où le mot sort, il s’en rend compte. Mais c’est encore trop tard, l’expression est sortie. Il n’arrive pas encore à corriger.

Etape 4 - La correction. Maintenant, quand il parle, il sait que cette expression peut sortir à tout moment. Il place sa parole sous vigilance. Le nombre de du coup chute.


La durée des différentes phases est très variable. Elle va essentiellement dépendre de la motivation de chacun à se débarrasser de ce parasite. En général dans le cadre des séances de coaching, les élèves sont motivés et les résultats arrivent très vite.


L’expression parasite très « à la mode » depuis une dizaine d’années est donc ce fameux « du coup ». Elle a déjà donné lieu à de nombreux articles. Dans les années 80, c’est le « tout à fait » qui régnait sans partage. Puis est venu le « c’est clair ».


Ces expressions font partie des fonctions du langage misent en évidence par les linguistes. Parmi eux, nous pouvons citer le plus célèbre : Roman Jakobson (1896-1982).

Ils ont démontré les fonctions de ces expressions dans une utilisation normale. Mais comme tous les excès, au mieux, ils peuvent faire rire vos proches. Au pire, les agacer.


Le biais cognitif dit de "l'immunité à l'erreur"

Il est très compliqué, voire impossible, de détecter soi-même ses propres défauts. C’est le résultats d’un biais cognitif, le biais dit de l'immunité à l'erreur. Ce biais tend à nous laisser penser qu’on ne peut pas se tromper. Il se manifeste par le fait que l’on a tendance à ne pas voir ses propres erreurs ou à les minorer.


Ce biais cognitif agit comme un voile devant nos propres yeux. Un voile que nous ne pouvons pas ôter nous-même. Nous avons besoin d’un tiers pour nous y aider. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à signaler à un collègue, un proche, l’abus d’une expression.


Avec Léo, nous avons réalisé quatre séances. Lors de la dernière, la séance consacrée à la mise en situation, il n’a sorti qu’une petite dizaine de du coup. Il était revenu à un niveau satisfaisant. Je lui ai dit ma satisfaction et lui-même en a convenu.


Rendez lui service, dites lui...

Si un proche, un collègue, use d’un mot ou d’une expression parasite, rendez lui service, dites lui. Prenez les précautions qui s’imposent en fonction de votre degré d’intimité. Dans un premier temps, il peut réagir d’une façon qui laisse à penser qu’il est agacé.

S’il est agacé et probablement un peu honteux, c’est contre lui-même. Et une fois qu’il aura réussi à se corriger, il devrait vous remercier.

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