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Les premières minutes d'un entretien d'embauche sont déterminantes (1/3)

Vous l’entendez autour de vous, vous le lisez sur Internet, dans des revues : un entretien se joue dès les premières minutes. C’est vrai. Nous verrons pourquoi et nous observerons aussi le rôle essentiel des biais cognitifs dans ce mécanisme. Nous étudierons surtout comment préparer ces quelques minutes déterminantes, minutes, pendant lesquelles vont peut-être se jouer votre avenir. Explications et conseils…


(Ce dossier se scinde en quatre parties. Nous posterons les trois parties suivantes chacune des prochaines semaines)


Beaucoup de biais cognitifs sont en jeux lors d’un entretien d’embauche. Mais d'abord, qu'est-ce qu'un biais cognitif ? Exemple : dans votre quotidien, quand vous rencontrez une personne pour la première fois, vous vous construisez malgré vous une première impression de cette personne. En quelques minutes, vous vous en faites une idée.


Alors que connaître quelqu'un demande du temps et des efforts. Mais votre cerveau a souhaité aller plus vite. Il a pris des raccourcis. Il a évalué la façon dont cette personne s'exprimait, la façon dont elle s'habillait. Et en quelques minutes, vous avez choisi d'engager une conversation avec cet inconnu. Ce mode de fonctionnement vous a fait gagner du temps et de l’énergie. Ce type de raccourci vous est très utile. Il s’appelle une heuristique.


Les heuristiques vous permettent de vous faire rapidement une opinion. Et cette opinion se révèle souvent juste. Nous avons hérité ses heuristiques de l’évolution. Nos lointains ancêtres devaient réagir rapidement devant une nouveauté : un animal croisé pour la première fois, des membres d’une nouvelle tribu, un nouveau bruit dans un buisson.


Le biais cognitif relève de la croyance

Mais du fait de leur caractère précipité, ces heuristiques présentent des limites, elles relèvent plus de l’opinion (du latin opinio : croire), donc de la croyance que du savoir et de la connaissance. Et comme toute opinion ou croyance, elle peut se révéler fausse, car dans son souci de rapidité et d’économie de moyens, l'heuristique fait l’impasse sur des données et peut donc se tromper et votre cerveau produit alors une erreur. Les erreurs produites par les heuristiques s’appellent des biais cognitifs.

Dans l’exercice suivant, votre cerveau va naturellement vouloir aller vite et limiter sa consommation d’énergie. L'heuristique attendue va vous conduire vers un biais cognitif.

Faites le calcul suivant :

Vous avez acheté une baguette et un bonbon pour 1 euro et 10 centimes. La baguette coûte 1 euro de plus que le bonbon. Combien coûte le bonbon ?

La réponse qui vous vient immédiatement à l’esprit est 10 centimes.

Cette réponse est fausse.

Si le bonbon coûtait 10 centimes et la baguette un euro de plus, cela ferait 1 euro et 10 centimes pour la baguette et 10 centimes pour le bonbon. Ce qui ferait un total de 1 euro et 20 centimes. Alors que le total annoncé est de 1 euros et 10 centimes*.


Votre cerveau a pris un raccourci et il s’est trompé. L’heuristique qui produit plus souvent un résultat juste peut facilement être abusée, comme avec cet exercice ou encore avec des illusions d’optiques que l’on a tous croisées. Ou encore cette facilité avec laquelle on peut voir des images dans des formes soumises au hasard, comme dans les nuages ou les fumées. A partir de ces images, fruits de biais cognitifs appelés paréidolies, certains peuvent échafauder une histoire de toute pièces. Par exemple, certains ont vu la tête du diable dans les nuages du Wall Trade Center en feu.



Devons-nous faire confiance à notre oeil ?


Ces raccourcis, ces intuitions, nous ont été très utiles pendant l’évolution. Il ont permis de sauver notre peau quand on se trouvait face à l’inconnu.

Quand pour la première fois on se trouvait devant un tigre, notre cerveau ne réfléchissait pas. Il allait au plus court et nous donnait l’ordre de prendre les jambes à notre cou.


L’évolution nous a transmis le gène des heuristiques. Devant un nouveau bruit dans un buisson, notre cerveau sollicitait nos heuristiques. Celles et ceux qui engageaient du temps et de l’énergie pour aller voir ce qui se trouvait dans le buisson ne sont pas revenus vivants pour dire ce qu'il y avait dans le buisson et ils n’ont pas transmis leurs gênes de l’analyse et de la réflexion, celui de l’effort et du temps long. Le tigre caché dans le buisson ne l’a pas permis.


Mais le gros problème, c’est qu'aujourd'hui, ce raccourci dans notre jugement, cette facilité à nous fabriquer rapidement une opinion ne nous est plus d’aucune utilité. Nous avons désormais les moyens d’engager du temps, de l’énergie et des outils pour réaliser une analyse et une réflexion. Pire, ce fonctionnement par raccourci peut se révéler un réel handicap si on n’en a pas conscience. Il nous conduit à adopter des raisonnements, des opinions qui peuvent s’avérer faux.


Certains ont vu la tête du diable dans les fumées du Wall Trade Center, lors des attentats du 11 septembre 2001.

Ainsi le recruteur qui est en face de vous lors d’un entretien d’embauche est lui aussi victime, pour le meilleur et pour le pire, de ses heuristiques. Pour le meilleur s’il vous embauche, pour le pire, s’il recrute un autre candidat.


Le but de ce recruteur est d’évaluer vos savoirs, vos savoir-faire, vos savoir-être. Dans un monde où l’exigence de rapidité prime, ce salarié présente toutes les chances d’activer ses heuristiques. D’ailleurs, certains s’en vantent, beaucoup de membres des RH (Ressources Humaines) chargés du recrutement fanfaronnent : « dès les premières minutes, je vois à qui j’ai affaire. Dès les premières minutes, je sais si ce candidat fera l'affaire».


Ce recruteur ne le sait pas, sinon il ne s’en vanterait pas, mais il présente toutes les chances d’être victime de biais cognitifs. Il va vite et engage un minimum d’énergie. Il se construit rapidement une opinion (croyance) à votre sujet. En quelques minutes, sans avoir investi de temps ni d’énergie, il va se donner une première impression. Pour lui, « la première impression est la bonne ».


Seulement un candidat recruté sur deux apporte satisfaction

Les études scientifiques sur ce sujet demeurent sans appel. Des chercheurs ont suivi les personnes recrutées et leurs recruteurs. Il s’avère que le recruté apporte satisfaction au recruteur que dans 56 % des recrutements. Seulement un candidat recruté sur deux apporte satisfaction ! Autant gagner du temps et tirer au sort les recrutements... De plus, cela éviterait aux candidats malchanceux de culpabiliser.


En revanche, avant de donner les résultats de leur étude aux recruteurs, les mêmes chercheurs demandaient aux responsables des ressources humaines, à quel niveau positionnaient-ils l’efficacité de leur recrutement. Aucun ne donnait un chiffre aussi bas. Tous annonçaient un résultat nettement supérieur. Les plus expérimentés n’hésitaient pas à annoncer un taux de réussite de 80 %.


De la méthode, de la structure, du travail en équipe

C’est un taux de réussite que l’on peut se permettre d’approcher quand on met de la méthode, quand on structure ses entretiens, quand on recrute en équipe et que l’on s’accorde sur une méthode. Sans ces précautions, le recruteur se repose uniquement sur ses biais cognitifs avec les limites et les risques que cela suppose. Celui de donner des résultats aléatoires.


Mais cette faiblesse notoire du recruteur, vous pouvez en faire une force.


Dans le 2d volet de ce dossier, nous verrons comment vous pouvez agir et jouer à votre avantage avec les biais cognitifs du recruteur.


* Le bonbon doit coûter 5 centimes. La baguette 1 euro et 5 centimes. Le bonbon 5 centimes. Ce qui fait 1,05 + 0,05 = 1,10 euros.

Pour l’anecdote, certaines personnes ne veulent toujours pas croire le bon résultat quand on leur donne et leur explique l’opération. Elles ne peuvent sortir de leur biais cognitif...

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